Une petite contribution extérieure, exception qui confirme les règles
et du coup la ménopause, une interlude mais pas forcément plus agréable que mes écrits : une plume trempée dans l'eau de javel, tout le monde en prend pour son grade, une pensée pour Paulette qui officiait à la cantine de ma primaire. C'est la Minute Soup.«Entré dans l’rap j’pensais pouvoir y trouver la paix, un apport, la sécurité la sincérité», et non mon vieux Fabe, faut croire que tu n’avais pas tapé à la bonne porte. Mon jeune ami, tu penses avoir une plume correcte, tu connais la discographie complète de Kool Keith et tu as du mal à voir quelle pourrait être ta contribution à cette grande famille qu’est le Hip hop. Au fond de toi tu rêves secrètement de devenir journaliste. Permets moi de te donner deux trois recommandations histoire de te confirmer tout le bien que tu penses de ce beau métier.
La première des choses à avoir en tête est l’échelle sociale du hip hop, si tu l’ignores tu vas aller de déconvenues en déconvenues: aujourd’hui tu es sûrement à la plus mauvaise place, l’échelon zéro, celui du mec qui poste sur les forums : méprisé par les artistes qui voient en toi une mouche à merde, et par les journalistes qui perçoivent ton talent comme un concurrent potentiel. Car eux occupent l’échelon supérieur, l’échelon un.
A peine au dessus se trouvent ceux qui sont le plus à plaindre, ce sont les beatmakers inconnus: corvéables à souhait, on ne les appellera que quand le rappeur aura besoin d’un morceau en dernière minute, on lui expliquera aussi qu’il devrait changer ses caisses claires, que sa boucle aurait du être découpée autrement, on ne le paiera évidemment pas, et bien entendu son morceau ne sera pas sur le projet final.
Puis viennent les bonnes places : le rappeur tout d’abord, dont nous aurons l’occasion de reparler, associé au producteur. Souvent le producteur est un journaliste qui a réussi, il a tissé des réseaux d’influence en faisant des papiers de complaisance à une époque, et le milieu le lui rend bien en l’invitant à la meilleure table.
Enfin ceux qui gouvernent vraiment : les maisons de disques et les radios/chaînes de télévision: ils sont décriés par les rappeurs qui tueraient père et mère pour avoir leurs faveurs. Une fois que tu as cet organigramme bien en tête on peut s’atteler à expliquer ce qu’est un journaliste musical.
Tu as des étoiles plein la tête, tu penses que ta place te permettra d’aider le hip hop, vu que tu as échoué dans cette mission en tant que rappeur, tu crois que ta tâche sera de faire de la haute couture; oublie. Non, vois tu, ce qu’on te demande c’est de faire du sur mesure, avec des mauvais tissus pour des mannequins bedonnant. Tu voyais tes interviews comme des entretiens où l’échange est vif, où chaque réponse entraîne une question, où le propos de l’artiste est limpide. Désolé. Prépare toi à taper tes questions sur ton ordinateur, et à les envoyer par mail au rappeur, qui , entre deux clopes, répondra ce qu’il voudra, sans être perturbé par tes interventions, prenant soin de se relire pour voir sil n'a rien dit de trop compromettant. Eh oui mon ami, tu te moquais des dames de la cantine étant petit, mais maintenant c’est toi qui sers la soupe, et ce n’est pas de la bisque de homard mais du bouillon Magie. Comprends bien une chose: tu es au service de l’artiste, mais ce n’est pas pour autant qu’il t’estime. Il t’aime comme le dealer aime son client, il sait que sans les gens comme toi il n’est plus grand chose, mais il a entre les mains de quoi te faire revenir régulièrement vers lui, la fameuse «dose de crack music» évoquée par le Roi Heenock. Ne pleure pas trop sur ton sort, on t'a invité à entrer dans le casino, tous ces gens dehors t’envient. En outre, le barman t’offre de temps en temps à boire. Mais attention, tu ne fais pas partie de l’équipe, et la machine à sous qui t'est dévolue est la préférée du patron: tu vas y passer un long moment, de temps en temps une pièce tombe mais à la fin de la soirée tu y auras laissé ton salaire, sans compter que pour en arriver là, tu t'es privé de voir ta femme et tes enfants.
Autre chose: n’estime pas trop tes lecteurs. Le plus souvent ils savent à peine lire et n’écrivent qu’en sms, évite d’avoir de l’ambition pour eux, ne crois pas au mythe du papier bien écrit et à toutes ces conneries d’un autre siècle. Fut un temps où Boris Vian était chroniqueur musical, aujourd’hui on confie cette tâche à Soprano, adapte-toi, fais comme les rappeurs, utilise des mots que tu ne dis pas devant tes parents, des formules dont personne ne saisit le sens, comme «toi même tu sais», «t'as vu» ou «ce çomor tue sa race». Ce conseil est d’autant plus précieux que si tu ne le fais pas, tu passeras pour un homosexuel, et si c’est un titre de noblesse à la mairie de Paris, dans le rap game ça reste une tare.
En fait, tes problèmes ne viendront pas des rappeurs racailleux, qui très souvent sont bien plus ouverts et intelligents que leurs textes pourraient le laisser croire. Les choses se gâtent quand tu veux parler de ceux qui donnent l’impression d’être au dessus du lot. A ce sujet, j’ai une théorie que je te laisse apprécier. Ces mc’s ne sont pas foncièrement mauvais, mais, à la manière de certains joueurs de foot, ils sont victimes de leur entourage. A l’école, alors que tous ses copains n’arrivaient pas à orthographier leurs noms de famille, le rappeur a décroché son brevet des collèges, devenant «l’intello» de la bande. Depuis il se prend pour un homme de lettres (alors qu’il en est plutôt un du lavoir), il se passionne pour l’histoire des opprimés (n’essaie pas de lui dire que son idole Gandhi a fait une grève de la faim pour que les intouchables ne participent pas aux négociations, il ne te croira pas vu que personne n’en parle dans le film) et il finit par penser que chacun de ses mots a un poids considérable sur l’industrie du disque. Avec ce genre de gus, la prudence est de rigueur: la moindre interview va donner lieu à de longues discussions («non, là ce mot c’est pas exactement le mien») alors privilégie les articles, flatteurs bien entendu. Il va falloir que tu te blindes, que tu sois prêt à t’entendre dire que tu n’es pas «pro», sans sourciller, et que tu arrives à maîtriser l’envie que tu as de rétorquer «vu la voix que tu as, tu préfèrerais pas devenir beatmaker?».
N’oublie pas que les critiques ne peuvent que t’être adressées. A partir du moment où l’artiste a passé un an à préparer son album, et où tous ses potes lui ont dit qu’il était le nouveau Nas, c’est pas un petit merdeux dans ton genre qui va commencer à dire que peut être certaines choses sont à revoir. En fait, tu n’as d’intérêt que tant que tu es gentil et serviable. A ce propos il faudra que tu te choisisses un souffre douleur, un petit, un sur qui tout le monde tape, prends M. Pokora ou Doc gynéco. Après avoir tapiné pour tous les ratés qui te sollicitent tu te referas une virginité en tapant sur ce pauvre Matt dans un papier qui montrera que personne n’aura «ta liberté de penser».
Tu verras aussi que les salles de rédaction fourmillent de spécimens bizarroïdes, des producteurs qui ont gardé un pied dans le journalisme et qui s'en servent uniquement lorsqu’ils ont besoin de promouvoir une sortie à eux. Méfie toi car malgré les apparences, ils ne te considèrent pas comme un des leurs, tu n’es qu’un éventuel pion et le journal n’est pas une famille mais un lieu où ils viennent chercher des renseignements et des appuis. A la longue tu deviendras un peu comme eux, tu finiras par croire, par vanité, que ces gens qui te sourient sont tes potes, que tu te dois de leur faire profiter de ta place en parlant d'eux, tu verras les cd qu’ils t’envoient comme une dette dont tu voudras t’acquitter en écrivant quelque chose de lisse pour qu’ils soient contents. Au fond ce n’est plus ton coeur qui parle mais la pitié que tu as pour ces types qui la plupart du temps n’ont rien d’autre dans la vie que le rap. C’est grâce à lui qu’ils ont perdu leur pucelage et si tu leur retires ça, tu leur enlèves leur statut de célébrité locale, autrement dit leur seule chance d’avoir un jour des enfants. Voilà comment marchent les choses, à toi de te faire ta place. J’espère que mes conseils te seront utiles et t’éviteront de perdre trop de temps, même si je sais qu’une fois que tu auras intégré la grande famille du hip hop tu m’accuseras d’avoir craché dans la soupe. Si tu as bien lu mes conseils, tu sais que la soupe est imbuvable et qu’un glaviot passera facilement pour un oeil dans le bouillon.
Damien Ribeiro.
27 nov. 2006
J’irai vomir sur vos cendres
16 nov. 2006
Navigation à vue pour aveugles en quête de sens.
« Travaille mieux qu’ça où je t’envoie au Lycée Professionnel derrière la Mairie ».
Sacrée menace que je ne prenais jamais à la légère. Rétrospectivement, aujourd’hui encore, je ne saurai toujours pas justifier précisément la psychose que m’inspirait cette injonction.
Peur ? Peur de me retrouver avec le gratin (cramé) qui n’avait pas pu/voulu déjouer la même prophétie parentale ? Même pas, un collège en ZEP donnait déjà le ton et un avant-goût probant. La perspective de passer par l’infamant pseudo entonnoir des filières professionnelles, synonymes d’échec avant et après les avoir incorporées ? Un peu sans doute. Et un peu comme le coureur de 100m qui a eu le malheur de faire 2 faux départs et ne peut pas montrer de quoi il est capable, on s’éternise sur le tartan. Fameux et terrible moment qu’est l’orientation de fin de collège. On joue la montre alors que tout le monde sait déjà que l’on est éliminé, alors qu’on sait soi-même qu’une dernière chance serait la bonne. On prend quand même place pour le départ et on participe à la course. Au bout du couloir, le lycée et ses filières générales. Le lycée, classé ZEP lui aussi. Eviter le L.P, tout ça pour finir en Zone d’Education Prioritaire, satanée plus-value. Avant le départ de la course, tous convergent vers la gare de triage, chacun emprunte sa voie, croit l’avoir trouvée, ou se ment en croyant l’avoir déjà trouvée. Un « on verra bien plus tard » en guise de point virgule.
Vient alors la ligne d’arrivée. Enfin, certains la voient beaucoup plus tôt que d’autres, et pas forcément ceux partis les premiers, sans «handicaps». Ceux-là même qui ont été « punis » en obtenant leurs diplômes professionnels et qualifiants en 2 ou 3 années d’apprentissage, en trouvant très souvent un emploi à la fin de leur formation. 18 ans, un bulletin de salaire, une expérience déjà du monde du travail dans sa propre spécialité. Quelle situation d’échec. En parallèle, 18 ans, un diplôme d’études littéraires général, et un long tunnel qui nous attend en sortant pour les chanceux qui ont « échappé » au Lycée Professionnel. Tous les parcours scolaires ne se déroulent pas avec autant de désillusions durant la course et une fois arrivé. Mais parler systématiquement des trains qui arrivent à l’heure camouflerait l’absence de ceux qui n’arrivent au final jamais.
Amertume et rancœur. Le pire, c’est de savoir que l’on est mort sur le champs de bataille, abattu par un sniper avec tout ce que cela comporte d’anonymat. Qui, pourquoi, comment ? A qui en vouloir ? Objectivement, aucun responsable direct, un ennemi flou, mosaïqué. Et le vertige nous prend quand on croit voir notre propre visage en lieu et place de celui du tireur isolé. Un auto sabotage au moment de l’aiguillage décisif ? Le point virgule s'est fait lifté en points de suspension.
Devrait alors rester le plaisir d’avoir fait de longues études dites supérieures pour la beauté du geste, finalement. Filières littéraires, qui plus est spécialisées et spécialisantes avec un seul échappatoire rentable et conforme : l’enseignement. Une seule voie possible, en des temps où on embauche davantage pour grossir les rangs des forces de l’ordre que ceux du corps professoral, en des temps où le principe des vases communicants ordonne des coupes de budgets et des réductions de poste pour en attribuer –apparemment- davantage ailleurs.
Devraient alors rester les cours pour le GISTI, le soutien scolaire, les stages en collèges et lycées. Au lieu de ça, en fin de chaîne, une chair à canon putride qui farcit les artères de l’ANPE. Le crime fera entrer en bourse nos futurs pénitenciers et maisons d’arrêts privés, le pseudo échec scolaire fera quant à lui la fortune des avatars tout aussi privés de nos futures ex-Agences Nationales pour l’Emploi.
Sacrée menace que je ne prenais jamais à la légère. Rétrospectivement, aujourd’hui encore, je ne saurai toujours pas justifier précisément la psychose que m’inspirait cette injonction.
Peur ? Peur de me retrouver avec le gratin (cramé) qui n’avait pas pu/voulu déjouer la même prophétie parentale ? Même pas, un collège en ZEP donnait déjà le ton et un avant-goût probant. La perspective de passer par l’infamant pseudo entonnoir des filières professionnelles, synonymes d’échec avant et après les avoir incorporées ? Un peu sans doute. Et un peu comme le coureur de 100m qui a eu le malheur de faire 2 faux départs et ne peut pas montrer de quoi il est capable, on s’éternise sur le tartan. Fameux et terrible moment qu’est l’orientation de fin de collège. On joue la montre alors que tout le monde sait déjà que l’on est éliminé, alors qu’on sait soi-même qu’une dernière chance serait la bonne. On prend quand même place pour le départ et on participe à la course. Au bout du couloir, le lycée et ses filières générales. Le lycée, classé ZEP lui aussi. Eviter le L.P, tout ça pour finir en Zone d’Education Prioritaire, satanée plus-value. Avant le départ de la course, tous convergent vers la gare de triage, chacun emprunte sa voie, croit l’avoir trouvée, ou se ment en croyant l’avoir déjà trouvée. Un « on verra bien plus tard » en guise de point virgule.
Vient alors la ligne d’arrivée. Enfin, certains la voient beaucoup plus tôt que d’autres, et pas forcément ceux partis les premiers, sans «handicaps». Ceux-là même qui ont été « punis » en obtenant leurs diplômes professionnels et qualifiants en 2 ou 3 années d’apprentissage, en trouvant très souvent un emploi à la fin de leur formation. 18 ans, un bulletin de salaire, une expérience déjà du monde du travail dans sa propre spécialité. Quelle situation d’échec. En parallèle, 18 ans, un diplôme d’études littéraires général, et un long tunnel qui nous attend en sortant pour les chanceux qui ont « échappé » au Lycée Professionnel. Tous les parcours scolaires ne se déroulent pas avec autant de désillusions durant la course et une fois arrivé. Mais parler systématiquement des trains qui arrivent à l’heure camouflerait l’absence de ceux qui n’arrivent au final jamais.
Amertume et rancœur. Le pire, c’est de savoir que l’on est mort sur le champs de bataille, abattu par un sniper avec tout ce que cela comporte d’anonymat. Qui, pourquoi, comment ? A qui en vouloir ? Objectivement, aucun responsable direct, un ennemi flou, mosaïqué. Et le vertige nous prend quand on croit voir notre propre visage en lieu et place de celui du tireur isolé. Un auto sabotage au moment de l’aiguillage décisif ? Le point virgule s'est fait lifté en points de suspension.
Devrait alors rester le plaisir d’avoir fait de longues études dites supérieures pour la beauté du geste, finalement. Filières littéraires, qui plus est spécialisées et spécialisantes avec un seul échappatoire rentable et conforme : l’enseignement. Une seule voie possible, en des temps où on embauche davantage pour grossir les rangs des forces de l’ordre que ceux du corps professoral, en des temps où le principe des vases communicants ordonne des coupes de budgets et des réductions de poste pour en attribuer –apparemment- davantage ailleurs.
Devraient alors rester les cours pour le GISTI, le soutien scolaire, les stages en collèges et lycées. Au lieu de ça, en fin de chaîne, une chair à canon putride qui farcit les artères de l’ANPE. Le crime fera entrer en bourse nos futurs pénitenciers et maisons d’arrêts privés, le pseudo échec scolaire fera quant à lui la fortune des avatars tout aussi privés de nos futures ex-Agences Nationales pour l’Emploi.
13 nov. 2006
Du sable dans les Boat (People)
L’épidémie de la grippe aviaire s’est déclarée. Elle gagne nos grandes villes, se propage à vitesse grand V. Les français s’enfuient à tire d’aile. Ils se dirigent vers les pays frontaliers, encore exempts de tout cas suspect.
Mais là, le rideau se baisse. On ferme les frontières. On nous condamne à rester de l’autre côté, malades. On choisit de nous regarder mourir, pour son propre confort en un sens.
Logique. Qui laisserait s’installer l’indigence en sa demeure ?
Pire. Des policiers en tenues de décontamination, bardés de champs stériles, nous déportent vers un endroit sain et sauf, pour les leurs. Sain et sauf car, à vol d’oiseau, il faudrait des jours pour revenir à pied à notre point de départ.
Inimaginable, en ces temps où tout se sait tout de suite, en ces temps de surmédiatisation, en ces temps de tragiques quarts d’heures warholiens.
Oui, mais…
OUJDA – ce 10 octobre 2005. Mamoutou n’est pas malade. Enfin, d’un point de vue strictement physiologique, médical, j’entends. Il est seulement porteur d’un trop plein de mélanine. Loin d’être de l’or noir, la mélanine. Mamoutou n’est pas venu au Maroc en touriste. Il y a seulement une chance sur deux pour qu’il soit orphelin, malade du sida, mutilé de guerre, affamé, apatride… Le genre d’héritage dont on se passerait. Il y a seulement 100 % de chance pour qu’il soit noir. Et pauvre. Bon, ça fait beaucoup.
Mamoutou ne saisit pas que, là, alors qu’il embarque menotté dans un avion pour Nouakchott, ses ancêtres les Gaulois ne lèvent pas le petit doigt pour lui.
Peur que le ciel leur tombe sur la tête. Sans doute.
Peur qu’un oiseau de fer n’atterrisse et n’accroisse la pandémie. Mais la pandémie véritable demeure encore la colonisation, conséquence d’un impérialisme gangrenant qui se veut rétroactivement toujours bienveillant. Paternalisme mué en rapports ancillaires se perpétuant encore aujourd’hui. Rémiges coupées au sécateur, encore aujourd’hui.
Mais… si les Etats-Unis d’Afrique ou d’Amérique débarquaient et annexaient un pays européen, et ce pendant minimum un demi-siècle, et qu’ils s’appropriaient toutes ses ressources, quelqu’un lèverait-il le petit doigt ? Et quand bien même personne ne réagirait, le pays annexé pourrait-il se relever du sort que lui a réservé la sangsue du sud, sachant qu’elle tient encore et les rênes, et les cordons de la bourse ? Où quand un oiseau de proie se voit couper les rémiges pour terminer gallinacé de basse-cour.
Mamoutou aime bien la politique-fiction. Pendant ce temps, il rêvasse aux Européens qui fuient le gant de velours qui les étreint et obstrue l’accès à la passerelle d’embarquement. La passerelle vers l’Europe, une mère adoptive ingrate, une mère comme Alzheimer en fabrique…
Mais là, le rideau se baisse. On ferme les frontières. On nous condamne à rester de l’autre côté, malades. On choisit de nous regarder mourir, pour son propre confort en un sens.
Logique. Qui laisserait s’installer l’indigence en sa demeure ?
Pire. Des policiers en tenues de décontamination, bardés de champs stériles, nous déportent vers un endroit sain et sauf, pour les leurs. Sain et sauf car, à vol d’oiseau, il faudrait des jours pour revenir à pied à notre point de départ.
Inimaginable, en ces temps où tout se sait tout de suite, en ces temps de surmédiatisation, en ces temps de tragiques quarts d’heures warholiens.
Oui, mais…
OUJDA – ce 10 octobre 2005. Mamoutou n’est pas malade. Enfin, d’un point de vue strictement physiologique, médical, j’entends. Il est seulement porteur d’un trop plein de mélanine. Loin d’être de l’or noir, la mélanine. Mamoutou n’est pas venu au Maroc en touriste. Il y a seulement une chance sur deux pour qu’il soit orphelin, malade du sida, mutilé de guerre, affamé, apatride… Le genre d’héritage dont on se passerait. Il y a seulement 100 % de chance pour qu’il soit noir. Et pauvre. Bon, ça fait beaucoup.
Mamoutou ne saisit pas que, là, alors qu’il embarque menotté dans un avion pour Nouakchott, ses ancêtres les Gaulois ne lèvent pas le petit doigt pour lui.
Peur que le ciel leur tombe sur la tête. Sans doute.
Peur qu’un oiseau de fer n’atterrisse et n’accroisse la pandémie. Mais la pandémie véritable demeure encore la colonisation, conséquence d’un impérialisme gangrenant qui se veut rétroactivement toujours bienveillant. Paternalisme mué en rapports ancillaires se perpétuant encore aujourd’hui. Rémiges coupées au sécateur, encore aujourd’hui.
Mais… si les Etats-Unis d’Afrique ou d’Amérique débarquaient et annexaient un pays européen, et ce pendant minimum un demi-siècle, et qu’ils s’appropriaient toutes ses ressources, quelqu’un lèverait-il le petit doigt ? Et quand bien même personne ne réagirait, le pays annexé pourrait-il se relever du sort que lui a réservé la sangsue du sud, sachant qu’elle tient encore et les rênes, et les cordons de la bourse ? Où quand un oiseau de proie se voit couper les rémiges pour terminer gallinacé de basse-cour.
Mamoutou aime bien la politique-fiction. Pendant ce temps, il rêvasse aux Européens qui fuient le gant de velours qui les étreint et obstrue l’accès à la passerelle d’embarquement. La passerelle vers l’Europe, une mère adoptive ingrate, une mère comme Alzheimer en fabrique…
18/10/2005
Libellés :
clandestins,
exode,
immigration clandestine,
réfugiés
On sait quand ça commence...
Bah wé, voilà un peu l'endroit où je déverserai tout un tas d'écrits plus ou moins pertinents, sans prétentions aucunes en tout cas. Du billet d'humeur à l'article balayant une série tv, un disque, un film, entrez et prenez place, il me reste des comprimés, il vous faudra bien ça pour vous tenir éveillés.
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