24 nov. 2007

Les règles, c’est pour les femmes...




Il faut le confesser tout de suite, je n’avais pas vu venir le mouvement. Tout commence par une de ces conversations éprouvantes avec un type adoptant un ton racailleux qui sonne terriblement faux, un fils de riche honteux, extraits :

- Wé, on avait passé trois jours à faire notre fresque, et vous, vous venez faire vos trucs en deux heures par dessus, ça se fait pas (je vous épargne les tac tac t’as vu ma gueule).
Mon interlocuteur était dans un grand jour, ce qui suit est vrai, un homme a vraiment dit ça :
- C’est comme pour Reso, le mec il se bouge le cul, il fait 300 kilomètres pour faire une pièce ici, et vous le repassez.
En deux phrases on venait de faire basculer le graffiti du monde de l’art à celui de l’artisanat. Le graffeur est payé à l’heure faut croire, et les déplacements eux aussi sont facturés, bientôt on aura droit à des tickets resto, jusqu’ici tout va bien.
Est-ce que ce type face à moi avait décidé de m’achever, avions-nous été si méchants avec lui pour qu’il ne s’arrête pas là et qu’il ajoute :
- Dans le graffiti y a des règles quand même.

Bien entendu, on savait que ces gens là existaient, mais jusqu’alors, ils avançaient masqués, ils avaient honte de penser ça. C’est fini, l’époque est à la « décomplexion », après la droite décomplexée, le graffiti bisounours décomplexé.
On peut penser à un épiphénomène, il n’en est rien. Je savais que la lecture des forums « graffiti » n’allait pas me réconforter, je suis quand même allé voir, j’aurais pas dû.
Pour résumer :
1) tu ne repasseras point une pièce si celle-ci a nécessité plus de temps que celui que tu y consacreras
2) tu ne repasseras point la pièce d’autrui si celui-ci a engagé des frais d’autoroute pour la réaliser (applicable en cas de frais de trains ou d’avion, mais pas pour les déplacements à vélo)
3) tu ne toyeras point
4) tu ne repasseras point une couleur avec un chrome ( application jurisprudentielle de la loi 1)
5) tu ne te battras point
6) tu ne dépouilleras point

Loin de moi l’idée de faire l’apologie du toy ou de la dépouille, mais tout de même. On sait, dès qu’on accepte de faire du graffiti qu’on s’expose à certains risques, rappelons, cela me semble important, qu’il s’agit d’une activité illicite se déroulant dans la rue. On peut très bien peindre pendant des années sans jamais avoir ce genre de problèmes, ou sans se livrer à ces activités. Qu’on soit bien d’accord, la dépouille n’est pas une composante du graffiti (contrairement au tag par exemple), mais c’est une des possibilités d’une telle activité (comme la prison, les balances etc). Sortir le graffiti du contexte nécessairement violent dans lequel il baigne, c’est l’amputer de son principal intérêt. Si on limite le graffiti au fait d’aller peindre, on est bien dans une discipline artisanale, c’est de la décoration, on devient collègue de travail de Valérie Damidot…

On peut en rire, si tu viens faire du graffiti mais que tu n’es pas disposé à te faire vider les poches, repasser ou toyer, t’aurais mieux fait de t’orienter vers la peinture sur soie, ou le football; tout le monde n’est pas obligé d’être graffeur. C’est l’autre aspect du problème, tout le monde veut en être, tout le monde veut aller choquer les bourgeois, en faisant du rap, en allant taguer, mais dans la courtoisie et la bonne entente.

Il existe un Code civil, un Code du travail, un Code de la route etc etc, ces cons rêvent d’un Code du graffiti. Ce serait tellement plus rassurant. On irait faire une belle pièce, en couleurs, et on aurait l’assurance que personne ne pourrait la repasser à moins de vouloir en faire une encore plus belle et plus colorée. On ne supporte plus la mocheté, la rature. Et même quand on prétend s’y livrer, on veut la codifier pour la rendre acceptable, pour la rendre conforme aux critères de beauté, pour la rendre lisse et docile. Ces types sont des dompteurs de graffiti!

Les clips de rap ne tolèrent plus que les putes à la plastique parfaite, les grosses voitures, les belles maisons. Son frère ennemi, le graffiti, lui emboîte le pas et à son tour ne veut plus que du beau. Des belles lettres d’Orphé, tracées dans l’illégalité(quand même, on a des principes), mais ne supportant pas d’être recouvertes par le manteau chromé du vilain Trane. Des jolies expos avec des jolis gens, mais n’admettant plus d’être troublées par les méchants graffeurs qui viennent casser la fête. Des jolies bombes montana gentiment achetées dans un beau magasin spécialisé, mais révoltées de devoir passer de force dans les mains sales de ce type qui n’aura qu’à dire « vide tes poches » pour les avoir. Cette quête du beau conduit à un mouvement aseptisé, acceptable, présentable, hiérarchisé. Que ceux qui sont en train de déployer un cordon sanitaire autour du graffiti pour en faire cette sympathique activité de décoration gardent à l’esprit que quand leur entreprise aura réussi ils auront vidé cet art qu’ils prétendent tant aimer de tout ce qui en fait l’intérêt. Mais ils pourront enfin arpenter les rues sans risques, en ayant l’impression d’être super transgressifs. Vaste blague.

« Dans le graffiti y a des règles », voilà ce que l’autre con m’avait dit. Les règles, c’est pas pour le graffiti, les règles c’est pour les femmes.

olivier caTin

19 oct. 2007

Trane, le petit prince du rail





A c’qu’il paraît il a douze ans, à c’qu’il paraît il fait deux mètres, à c’qu’il paraît c’est un gitan, à c’qu’il paraît il a dépouillé X et Y, à c’qu’il paraît il vient de Marseille… On s’arrêtera là pour les ragots dont raffole la scène graffiti.
Trane n’est rien de ça, Trane est tout ça, et tellement plus que ça. S’il n’en reste qu’un ce sera lui. D’ailleurs il ne reste que lui, les autres sont chez Agnès B., en taule, ou sur les forums internet à courir dans le virtuel après un titre qu’ils ont réellement laissé filé depuis belle lurette. Les balances ne servent plus à rien, Trane a tellement saigné la France qu’il peut partir à l’ombre 10 ans et revenir sans avoir perdu sa couronne. Du jamais vu. Chaque époque a ses cartonneurs, de Boxer à O’clock, mais rien n’arrive à la cheville de l’oeuvre de Trane. Rien, personne. À lui seul il ridiculise n’importe quel crew. Incontournable. Prenez votre voiture, perdez vous dans la campagne, cherchez la première voie ferrée à proximité, il y aura une pièce Trane. Ses détracteurs mettent en avant son absence de style; « il fait toujours la même chose ». Marrant que dans un milieu toujours prêt à imiter la dernière tendance on reproche au dernier des mohicans de ne céder à aucune mode et de se contenter de répéter inlassablement la même chose : T.R.A.N.E. Tu pourras pas dire que tu comprends pas, prends ça dans la gueule, visualise ce qui te sépare du trône. Puisque c’est si nase que ça, vas-y, rentre dans la compétition. Mais attention, le tournoi ne dure pas quinze jours, le temps de trouver autre chose à pomper. Avec Trane il n’y a pas de but en or, le match continue dans les vestiaires, et là ne compte plus sur l’arbitre pour t’aider… Eh oui, Trane joue dans la meilleure équipe. Dans les UV TPK, les milieux défensifs font passer Gatuso pour un chaton, Fuzi joue numéro 10 et distribue des caviars à son protégé. Trane c’est un peu Pipo Inzaghi. Pas vraiment élégant, pas vraiment aimé par le milieu, pas vraiment hype, mais toujours décisif, toujours là où il faut être, pendant que les autres vendangent leurs rares occasions, Trane transforme tout. Sa production rend anecdotique toute tentative de biographie. Peu importent les crews qu’il a pu quitter, les noms qu’il a utilisés, les fois où il a pu tomber. Au final il ne restera que cinq lettres de chrome incrustées sur un store, un toit, un wagon, un souvenir. Pas besoin d’attendre la mort d’un membre de l’Académie Française pour devenir immortel. Il l’est déjà, immortel, et indélébile, gravé à la Altona dans les têtes de tous ceux qui un jour ont levé le nez de leur journal dans les transports en commun, tous ceux qui ont manifesté un intérêt pour le graffiti, tous ceux qui ont mis le nez hors de chez eux, tous ceux qui ont vu leur environnement changer à mesure que les rats quittaient les dépôts du métro pour souiller la ville.

Olivier caTin

23 juin 2007

Interdits bancaires, huissiers, et endettements



Ok, l'été arrive, et le monde se divise toujours en deux catégories : ceux qui partent en vacances et ceux qui restent bien au chaud, mais chez eux. Histoire de creuser un peu plus les dettes, un peu de promo pour quelques sorties qui méritent un achat pour peu que vous ayiez du goût et des oreilles bien éduquées.


JR Ewing - Pure Premium vol.4




Les gens qui étaient là avant la première savent. Les autres saignent sur Ebay.

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Gasface N°3 - ( Kung Foutre Editions)



Nico et Groswift reviennent et foutent la merde dans les rayons presse de Super U ("Hein, Gassefasse vous dites ?"). 3€, la majeure partie des droits seront reversés à l'Olympique Lyonnais pour essayer de remplacer Malouda par Cristiano Ronaldo la saison prochaine. On y croit.

extrait : http://7leonn.free.fr/gasfas/Gasface_France_Inter-Alternative-15Juin2007.mp3


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Flynt - J'éclaire ma ville LP



Explicit Dix-Huit, Choc frontal, Fidèle à son contexte, Comme Sur Un Playground, ¿ te suena, carnalito ? Ok, donc suite logique, un long format qui met tout le monde d'accord, l'avant-dernier titre qui reprend la boucle du True Lies de Mobb Deep, des scratches, du texte, un artwork travaillé et une version vinyle de l'album... Plus d'arguments qu'un téléacteur de Cofinoga...

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La Rumeur - Du coeur à l'outrage (LP)



Impossible de faire plus actuel : Napoléon a survécu à l'arsenic, il est désormais Président de la République Française et voici la bande-son de son futur quinquennat.

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Arrivé ici, j'en entends déjà se dire "C'est quoi ce blog de merde, y'a pas d'extraits, d'albums entiers à dL, rien... Bah wé, politique de la maison depuis le début, c'est pas une succursale de la Fnac ou d'Itunes ici. C'est pas le but, j'ai du mal à blairer ceux qui pratiquent le "Je lâche la cover de l'album et un lien megaupload sans même trois lignes sur les concernés". Triste crasse intellectuelle et joli camouflage de manque de culture suffisamment répandu pour que je m'abstienne de faire la même chose.

Pour la route, histoire de dérouter pour de bon ceux qui seront arrivés jusqu'au bout :

http://www.guidedusurendettement.org/comment-saisir-comm.html

et


http://sergecar.club.fr/cours/societe4.htm

Bonne route les gens

22 mai 2007

Drop A Gem On 'Em






Ok, donc petite mise à jour du player avec quelques sons rajoutés : un long freestyle de la team C 2 La Balle; Daomen et Moda période Nouvelle Donne 1; Koma, Fabe et Eros lors de la sortie du East Woo E.P; un p'tit remix violent de "Dans ma Rue" avec Mystik, Ärsenik et les 2 BAL' puis pour conclure, une magnifique, tendre et très fine déclaration d'amour du M.Ä...

props à Dema et au K.Fear !!

20 avr. 2007

Fourche Ligne Zoo, Conçu Pour Briller

Un peu léthargique, le blog, oui. Pour la peine, quelques breloques histoire de faire passer le temps. Enjoy comme disait François Feldman.

Vidéo envoyée par somno

Vidéo envoyée par somno


Cliqua #.3
Uploaded by somno


Tout ça sort d'une vhs promo offerte à l'époque de la sortie de l'album de La Cliqua chez Barclay, images ripées par Chimiste au passage, avec pêle-mêle : 1 ère partie de House Of Pain à La Cigale 94 / freestyle fbs chez Dan (Tikaret) / 1 ère partie d Arrested Development à L'Olympia / extrait de l epk" La Haine" 95 et session Métro avec "Wake Up" de Killarmy détruit par Raphaël. Bah wé, Damien.

3 févr. 2007

Cut Killer - FREESTYLE Mixtape (1995)






Attention, poids lourd. Première tape à rassembler un casting 100 % francophone, chose qui n’allait pas de soi à l’époque, la Freestyle de Cut Killer figure également parmi les toutes 1ères K7 mixées sorties sur notre sol. DJ Clyde et Cut Killer ont ouvert la brèche, suivis de très près par DJ Poska, pour peu à peu créer un appel d’air tel que le support mixtape se révèlera incontournable. Objet de promotion, carte de visite, champs d’expérimentation et de liberté, pas évident de se remettre toutefois dans le contexte de l’époque tant l’objet s’est banalisé rapidement, envahissant un temps les étalages de shops : à la portée de tout le monde, ultra démocratique, aidée d’une VPC qui arrose le pays. Mais la banalité a aussi contaminé l’objet en lui-même : tracklist fourre-tout, concepts et pochettes bas du front, mixtape pas mixée (oui, oui, mais bon, en même temps, aujourd’hui, il y a bien les « mixtapes CD », parfois pas mixées non plus). Pas de petits profits sans grandes économies. Moué. L’histoire se fera justice elle-même, reléguant au pilon les sorties hasardeuses.

Avec un indéniable flair et un réseau d’amis qu’il mettra en orbite le long de ses sorties (mixtapes spéciales Sleo, Too Leust, Fabe & East, K-Mel, Sages Poètes De La Rue, La Cliqua, I Am, Boogotop, Lunatic, Afrojazz, Ménage A 3, D.Abuz System, Mafia K’1Fry, que l’on retrouve d’ailleurs tous sur la K7 Freestyle), et même si ses 1ers galops d’essai sont majoritairement empreints d’une stricte sélection us avec de brèves apparitions d’artistes français, l’ami Cut Killer va dénicher les têtes de demain ou constituer une suite de rampe de lancement en concoctant les concepts de ses sorties suivant son invité (fil conducteurs tels que la radio FM pour la spéciale La Cliqua, la mystique autour du nombre 361 pour les 2 spéciales I AM, dialogues d’Usual Suspects pour la D.Abuz ou extraits de la série L’Envahisseur pour K-Mel d’Alliance Ethnik), et en laissant de côté l’amateurisme des pochettes rudimentaires et artisanales pour des visuels uniques (pochette mythique de Mode 2 pour La Cliqua, ou la très réussie pochette de Jahyze pour la Afrojazz). Un indéniable flair puisque la très grande majorité des invités mis en lumière sur la K7 Freestyle par exemple a marqué de son empreinte une période de l’histoire de cette musique en France. Night & Day et Pias n’auront qu’à se baisser pour gonfler leur catalogue. Bon, trêve de blah blah, « MAGNETOPHONE, SERGE !! »

Chaque titre est un morceau en soi, loin d’une prestation éclair et bâclée (productions originales pour les Beat 2 Boul par les Sages Po, les T.O.P par Kead, les Hip Hop Swing par Hasheem, I Am par Akhenaton, les Too Leust par Jee-M.G et Hostil par lui-même), et donne parfois lieu à un meeting entre membres de collectif, façon mariage où la fête est prétexte aux retrouvailles : Le Complot des Bas Fonds, La Cliqua, Le MA3 et le Beat 2 Boul’ se taillent logiquement la part du lion, supériorité numérique oblige. Mais la force du nombre n’est pas seule responsable du saccage sonore : Fabe, Lso, Bo Prophete, Koma, Jazzy Ko & Sly D.O, Egosyst, Doc Odnok, Rocca, Daddy Lord C, Raphaël, Doc TMC, G-Kill, Mr R, Lyon-S, Krokmitten, Philo, L.I.M, Boulox, Houssen, Ali & Booba, Zoxea, Melopheelo et Dany Dan. Schindler himself n’aurait pas pu sauver tout le monde tant la liste est longue ET impressionnante.

Autant dire que ceux qui ont mis le doigt dans l’engrenage à cette époque et ont ruiné la bande chrome de la K7 ressentiront quelques frissons et pardonneront quelques maladresses, facilités et flows qui se cherchent encore. Les cicatrices ne bronzent pas au soleil, mais la nostalgie fait office d’un bon Photoshop parfois, au détriment de l’objectivité. Un Fabe encore préoccupé essentiellement par l’egotrip, comme beaucoup de ses coreligionnaires, inaugure l’Exposition Universelle ; Befa, déjà autoproclamé « impertinent » fait croquer ses frères : les Bo Prophet alias Bobo Stara et sa voix caractéristique et éraillée puis Loss Lechar et son cheveu sur la langue qui en place une pour Lucien, LSO est représenté par Force Rouge aka Diable Rouge aka Trick-Pa, futur membre éphémère de l’équipée Time Bomb. Koma, méconnaissable, se cherche et tâtonne encore, rendant encore plus remarquable la sobriété et l’efficacité de ses prestations à partir de Tout est calculé et on décèle même déjà un embryon de décalage dans son texte (« je ne suis pas dangereux, /ni gangster ni le neveu/ d’un parrain de la mafia /je suis un gars comme toi… »), puis les Sleo concluent l’affaire pour le 3 Majeur Flow. Marrant d’entendre Jazzy Ko citer Hakim Tafer, boxeur français du moment absolument cité par tout le monde à l’époque (Daddy Lord Clarck, Booba, Zoxea…), assez pratique pour recontextualiser les débats. Les textes visent la forme avec un gros travail sur les sonorités (assonances et allitérations en pagaille), et le plaisir du jeu de mot à tout prix. Le rap contact exercé comme une discipline martiale, aidé en cela par l’émulation entre groupes et l’effervescence d’une nouvelle scène qui voit le jour lentement mais sûrement. Le seul arbitre de ce jeu-là était la base, avant qu’une radio, parmi d’autres causes, ne vienne perturber la donne, mette à genoux les radios Black List et ne fasse l’arbitre elle-même pour ladite base.

Les 2 Neg, pas encore accoquinés avec les 2 Bal Niggets, sont déjà en mission suicide. C’est nerveux, Eben et Niro lâchent les chevaux avec l’énergie qu’on leur connaîtra encore plus tard avec les jumeaux sur scène et sur disque.

Puis on ne sait plus où donner de la tête : Kohndo met la barre tellement haut qu’on ne se doute pas qu’une armée de Dick Fosbury viendra égaler sa perf’. Egosyst, la seconde moitié du Coup D’Etat Phonique, balafre comme à l’accoutumée l’auditeur d’une oreille à l’autre (avec en point d’orgue de ses prestations son couplet resté dans les annales sur Rap Contact I de la Compilation Arsenal Représente Le Vrai Hip Hop). Puis le massacre continue avec La Squadra. Rocca et le Dad ne frappent pas avec un jab de débutant. Certains lyrics seront reposés ailleurs, mais les voix et les flows tuent tellement et avec tant de facilité qu’on actionne volontiers la touche Rewind. Puis le très jeune Raphaël conclut comme il peut après de tels passages à tabac. Fumer les micros en public était encore toléré à l’époque, c’est beaucoup moins vrai aujourd’hui. Seulement 3 titres écoutés, et on en a eu largement pour notre temps et notre argent.

Suit Manu Key qui représente pour Mista Flow et le fabuleux Lil’ Jahson, avec DJ Mehdi aux cuts, et préfigure le scandaleux morceau que le mentor de la mafia africaine partagera avec Dany Dan, Gravé sur mes shoes. Les projets d’un album commun entre ces deux-là restera longtemps un serpent de mer, alimenté par le titre Mon pote & moi où les 2 compères remettront ça encore une fois.
Crokmitaine et le D.O.C ouvrent le bal façon Carrie : vibe horrorcore pour le 1er, étonnant slackness pour le dérangé Docteur TMC, même le Triple-12 Quai des Orfèvres est en branle. Mais l’onanisme ne s’arrêtera pas là : Philo, G-Kill, Mr R et Lyon-S finissent de répandre les restes d’Agent Orange et on s’échappe comme on peut en imitant Kim Phuc.


Courte pause afrocentriste de B-Love bien manichéenne comme il faut, puis des chœurs horribles précèdent Abuz, toujours épileptique au micro. Re-pause avec les Poètes Hop Jazz : Vibe, Welcome et M.J ramènent le chant pour le plus grand bien des tachycardes jusqu’ici peu épargnés. Les très jeunes Petits Boss, alors plus exposés en France que leurs aînés du Double Pact grâce entre autre à leurs contacts avec La Cliqua, débitent un peu tout et n’importe quoi sans être encore trop sûrs d’eux. Avec aux cuts DJ James (qui sera lancé dans le bain des k7 mixées par Cut Killer, en passant), les Roots Neg K-Reen, Manifest et le tueur Nob allient chant (grâce à K-Reen) et rap (K-Reen est aussi de la partie dans ce registre) avec déjà une préoccupation qui sera constante le long de leurs apparitions toujours marquantes (11’30 Contre Les Lois Racistes, Ma 6-Té Va Crack-Er, compilation Cercle Rouge et divers mixtapes) : la négritude, héritière d’un Cheikh Anta Diop, d’un Césaire ou d’un Senghor, loin des ersatz afrocentriques d’une Nation Of Islam vainement importés par certains de nos compatriotes. Les Lyr-X, déjà évoqués dans les articles précédents, livrent le minimum syndical et soignent leur CV ni vus ni connus, puis les Hip Hop Swing (nés sur les cendres des défunts N’Groove avec Tino, Joce et Hasheem avec à leur actif un maxi produit par Boom Bass & Zdar) constituent la caution New Jack du projet, à l’heure où les Jodeci, Guy, Blackstreet ont déjà explosé outre-atlantique. Seuls restent Joce et Hasheem qui balafreront d’ailleurs à l’époque la compilation Sensitive et terminent ici notre Face A en douceur.


Et c’est le duo du Côté Obscur qui ouvre la marche pour la Face B. Akhenaton et Shurik’N sont à l’aise comme à domicile ; le maître des lieux leur offrira d’ailleurs 2 mixtapes concepts à eux seuls (mixtapes 19 361 vol.1 & 2). Du lourd qui annonce la même année le définitif et parfait monolithe Métèque & Mat. L’académie Beat 2 Boul lâche les chiens : le juvénile Houcen (Movez Lang) récidive après les 2èmes Cool Sessions de Jimmy Jay, puis vient la violente passe d’armes des Lunatic, récents évadés du Coup D’Etat Phonique d’Egosyst et Kohndo qui drainait aussi les Less’ Du Neuf dans son sillon. Les flows se cherchent encore, entre précipitation et la limite du off-beat, quête définitivement résolue lors de leur passage vers Time Bomb. Si certains lyrics d’Ali seront repiqués façon scratch sur le terrible "La Réalité" d’Akhenaton, le duo laissera sa carte de visite pour la mixtape n°13 de Cut qui leur sera donc dédiée quelques temps après. Le dandy bandit Dan découpe littéralement avec ses placements caractéristiques et ses phases venues d’ailleurs avant de laisser la conclusion au posé Melopheelo et au Zoxeakopat qui part en sucette. La camisole n’est pas loin, mais c’est pour la bonne cause.

Dans un registre aussi énervé, les encore méconnus Afrojazz posent des jalons qui leur permettront de décrocher eux aussi une tape concept entière avec l’ami Cut Killer. Ca braille dans tous les sens, on n’est pas forcément convaincu sur le coup, mais la bataille rangée se terminera en bataillon par la suite. Perle noire sera là pour en témoigner.

Comme d’habitude, on zappe assez vite Saliha, puis Big Foot et Hostile (La Bande de Gaza), proches du 501 Posse et des Démocrates D, ramènent un peu de violence après cet intermède nasillard et plan plan. Cartel Despee alias Sept et Baron Faty (futur Boogotop), trafiquants de rimes assumés, assurent leur intervention sans bavure. Mr Sept n’aurait d’ailleurs pas dépareillé à l’époque parmi les 2 Bal’. A l’époque parce que de gutturale, sa voix est devenue caverneuse. Les Dieux de L’Olympe peuvent en témoigner.
Suite des ramifications avec la tribu Jimmy Jay Productions : Ricardo des Lamifa passe les plats vers les membres du Damier pour un des temps forts de la cassette. Chant et kick combinés, on a l’impression d’entendre un « Banlieue Nord » bis de la part de jeunes loups affamés comme La Tribu (qui feront sa 1ère partie en compagnie de La Cliqua à l’Elysée Montmartre en conclusion de sa tournée pour son 1er LP), Osmoz ou Les Blues qui limite mettent à l’amende Ménélik.

Ayant tout juste traversé de pare en pare l’album Deenastyle de Dee Nasty, les T.O.P (Type Original de Poètes ou Top Of Paris) reprennent du service. Le couplet et refrain du patron East sera repris pour « Du bon côté du revolver » avec Eros sur son E.P posthume EastWoo. Après le vandalisme urbain, la leçon est studieusement appliquée à la musique. La Comatec les remercie.

Osez des Sens Unik puis surtout Doudou et Joël de Timide & Sans Complexe mettent la pression, accompagnés de Cut Killer par ses scratchs de la voix de Fabe. La fête vire au macabre, les corbillards et les vautours s’invitent au banquet qui redevient festif le temps de la partie d’Original Blue Funk avec Jimmy et son frère Busta Flex. Le 1er rappe façon vinyle calé à l’envers en accélerant et décélérant à loisir, le 2nd a déjà des tics que l’on retrouvera sur Les Schyzos avec des accents de hyène rieuse en fin de mesures. La conclusion est laissée aux Too Leust, déjà responsables de la tape n°9 de Cut Killer en tant qu’invités principaux. Jee-M.G alias Juan Marco, ex New Generation Mc's tout comme Eddy Boostafunk alias Eddy Kent, et Bal 2 Match ferment la marche avec un gigantesque name dropping reprenant un bon nombre d'acteurs du mouvement.

N'en jetez plus, l'abattoir est complet.

24 janv. 2007

Coulisses et autres organes...





Suite donc de la découverte de certaines coulisses, à l’heure où les fanzines papiers sont moins présents que jamais (Unité surnage, Gasface porte le flambeau désormais en kiosque et en couleur), voici une interview donnée par Sear (Get Busy) à un fanzine bordelais, Represent (justement sous-titré « Le fanzine qui sort jamais »). Quelques propos instructifs qui, même s’ils datent (n°3, juillet 1997), s’appliquent toujours à certains, que ce soit chez vos libraires ou dans vos favoris internet sous une autre forme. Heure bénie où les Yours, Get Busy, Racines, Da Niouz, Hors-Limite, Down With This / Rapport De Force, Da Funky Kam, The Truth, Watcha, et autres Matsa, même si pas totalement exempts de défauts pour certains, constituaient une solide et crédible alternative locale (avec des réseaux de distrib’ via les shops) à l’hégémonie de la presse publi-rédactionnelle molle du genou et figée dans le consensus. Quelques tentatives récentes ont fait long feu (OMAX6MUM, Fumigènes, Sans Concession), sans oublier les 1ers Syndicat / Real, et White Label, pourtant distribués en kiosque mais en décalage avec le ton pusillanime des habitués des rayons RAP de vos Relais H. Ceux qui savent n’apprendront rien, les autres les remercieront de ne jamais leur en avoir parlé. Vous ne comprenez pas ? Relisez l’intro après avoir lu l’interview.


Membre fondateur et leader de la ligne de conduite du premier Fanzine Hip Hop Français, Get Busy, avec son éthique sans compromission (Interdit Aux Bâtards), Sear fait partie de ceux qui ne baissent leur froc et ne cautionnent pas l’imposture, valeur faisant de plus en plus défaut dans notre mouvement. Nous avons considéré normal de donner la parole à celui qui représente la vraie presse écrite Hip Hop, loin des tapettes de L’Affiche, de Radie Calle, etc… Ici, il est bon de parler de la vérité.

REPRESENT : D’abord ton point de vue sur la presse actuelle par rapport au Hip Hop ?

SEAR : On peut dire que la presse hip hop en 96 a vraiment évolué par rapport à ce qu’elle était en 90 où concrètement, il n’y avait rien. Hormis la Zulu Letter qui n’était pas vraiment un fanzine visant tout le monde mais plutôt un média interne pour les gens de la Zulu Nation et fait par Candy. C’était pas un journal musical avec des critiques et des chroniques, c’était un journal de contact, un organe interne en fait. Après, y’a eu Get Busy, puis d’autres fanzines ont suivi. Nous, on a fait Get Busy à cause d’une période de grosse connerie autour du rap (89/90). Avec des articles de France Soir, La 5 et Guillaume Durand qui faisaient un compte-rendu toutes les 5 minutes du concert de Public Enemy au Zénith comme si c’était la guerre du Koweït ! France Soir qui avait fait la carte des bandes à Paris où ils mettaient NTM et Les Little MC’s. Comme bande, on faisait pas mieux : Les Little étaient deux ! Voilà, que des conneries comme ça. Puis à côté de ça, la presse rock (Rock & Folk, Best) commençait à se réveiller sur le rap alors qu’ils avaient toujours craché dessus. Le coté rebelle du rock s’était déjà effacé depuis quelques temps, alors Public Enemy, c’était les nouveaux Rolling Stone, LL Cool J avait été appelé le Elvis du rap et pouis NTM, eux, ils étaient comparés aux Béruriers Noirs !! Ils se trouvaient des nouveaux frissons avec le rap alors qu’ils avaient TOUJOURS craché dessus. Nous, ça nous a saoulé et puis dans Rock & Folk, il y avait un journaliste qui s’appelait Filox et qui s’amusait à déchirer les rappeurs français. Il avait fait une chronique de Saliha où il méprisait vraiment tout le rap français. C’est toutes ces circonstances qui nous ont poussé à faire le truc. On a pensé que c’était nous, les gens du Hip Hop, qui étions les mieux placés pour en parler. Pour nous, c’était logique. On a commencé avec les moyens du bord : photocopies et tout le merdier. Puis, on a progressé, progressé et comme on est tombé dans une periode de mediatisation du rap français, on s’est retrouvés dans des émissions télé qui ont fait la réputation de Get Busy et du ton si spécial que nous avons. Voilà, je pense que ça a poussé du monde à faire des fanzines : on a prouvé que c’était possible e qu’on pouvait amener le truc assez loin. Après, y’a eu Yours, Down With This, Da Niouz, des fanzines de graff. Puis en province : Racines à Nice, Da Funky kam à Strasbourg, vous à Bordeaux. Après, vu l’ampleur qu’a pris le rap en France, des magazines se sont créés. Y’avait déjà L’Affiche qui d’abord était gratuit et distribué à la Fnac, puis en kiosque, et qui, comme tout magazine en kiosque, marche au publi-rédactionnel.
Le contenu est payé par les maisons de disques, donc y’a pas d’esprit critique, ni de réelle indépendance. Et après, t’as d’autres journaux comme actuellement R.E.R et Radikal, qui dans le cas de R.E.R, ne sont pas faits par des gens du Hip Hop. Et puis c’est fait par des gens du journal Rage et le rédacteur chef est Jean-Eric Perrin, qui fait quasiment toutes les grosses interviews, qui était le rédacteur chef de Best et qui écrit dans des journaux comme Max. Il y fait des top 10 rock dans lesquels il met ses groupes préférés, Oasis et compagnie. Voilà, et il roule en Harley Davidson pour dire qu’il est loin de notre monde. Pour Radikal, c’est fait par des gens qui se disent Hip Hop mais pas le même Hip Hop que moi. C’est plutôt le petit hip hop, petit bourgeois avec plein d’appuis et qui traîne aux Bains Douches. C’est fait par des mecs pour qui, de toute façon, le rap n’est pas vital. Ils peuvent faire autre chose, les fins de mois ne sont pas difficiles chez eux…
On voit que les choses ont évolué mais il n’y a toujours pas de magazine à grande diffusion fait par des gens du Hip Hop. On est toujours dépendants des autres.

REPRESENT : Ne penses-tu pas que la place occupée par R.E.R ou Radikal est la place logique que devrait occuper Get Busy, de par son authenticité et son passé ?

SEAR : Oui, en effet, ça devrait l’être, mais maintenant, il faut expliquer aux gens comment tu fais pour aller en kiosque. C’est pas comme quand tu fais ton fanzine et que t’es indépendant. Même si vous-même vous savez que c’est des galères, quand tu vas en kiosque, t’es obligé de passer par une boîte de distribution appelée les NMPP ou les MLP. C’est eux qui s’occupent de prendre ton truc à l’imprimerie et il faut un tirage minimum de 20 000 ou 30 000 exemplaires. Moi, j’ai déjà demandé des devis et un truc comme Radikal, rien qu’en frais d’imprimerie, c’est à peu près 30 briques, 300 000 francs !! (> un peu plus de 45 000 €) donc, quand ils se la jouent petits B.Boy’s qui ont cassé leur tirelire, soit ils avaient une grosse tirelire, soit.. Ensuite, tu passes par les NMPP qui te distribuent en kiosques mais qui te taxent sur tes ventes et sur tes invendus. Si, par exemple, tu tires à 40 000 en sachant que tu vas vendre à 15 000 exemplaires, t’en as 25 000 qui vont à la poubelle. T’es obligé, c’est pour qu’il y ait de la mise en place. Le pourcentage qu’ils te prennent entre tes ventes et tes invendus représente 60% de ton prix de vente. Donc sur un Get Busy qui coûterait 20 francs (> un peu plus de 3€), les NMPP prendraient 12 francs (>1,83€), là-dessus, il te reste 8 francs (> 1,22€) avec lesquels tu dois payer 300 000 francs d’imprimerie. Voilà donc comment tu vis, c’est grâce aux pubs. Tes ventes ne te suffisent pas… Donc, tu vis des pubs, donc t’es dans une situation où t’es dépendant et la plupart des journaux se font maquer par les maisons de disques. C’est pour ça que L’Affiche fait du publi-redactionnel, c’est pour ça que Radikal, malgré le fait qu’ils s’en défendent, ils en font. Je l’ai vu dans leur tarif publicitaire, c’est proposé. Et ça, je leur ai mis dans la gueule, ils ne savaient pas quoi dire… Donc, d’un côté, vous avez Get Busy qui, avec son ton, sa conception du Hip Hop et tout ce que ça représente au niveau de l’éthique, ne peut pas être vendu en kiosque actuellement, c’est pas possible. Get Busy ne fera jamais ce genre de concessions. Sinon, Get Busy ne serait plus Get Busy ! Moi, j’ai pas envie d’aller en kiosque pour devenir L’Affiche, ça m’intéresse pas et ça intéresserait qui ? Personne. C’est qu’une question de temps. Ce que j’espère, c’est mettre assez d’argent de côté et y arriver par moi-même et tous les enculer. De toute façon, tu peux pas tromper les gens éternellement. Radikal et L’Affiche n’ont pas endormi tout le monde, s’ils vendent bien en province, c’est uniquement parce qu’il n’y a rien d’autre. Y’a pas assez de presse underground. Maintenant, nous, on sait que Radikal ou L’Affiche, tu les lis en 5 minutes. Le décalage entre Paris et province n’existe plus vraiment, les provinciaux sont à la page. Les nouveautés qui arrivent sur Paris, ils les ont aussi. Donc, tu peux pas bluffer éternellement, et un truc comme Radikal marchera tant qu’il n’y aura rien d’autre à lire. Et encore, je suis même pas sûr que ça marche.


A noter un parfait prolongement sur la compilation Kool & Radikal où figure sur la partie CD-Rom un débat filmé sur la presse rap entre divers intervenants dont Sear et Perrin. Let’s beef.

21 janv. 2007

A venir d'ici peu...




Articles sur :

- Cut Killer - Freestyle mixtape

- La Mixture (Strasbourg) - Têtes à battre

- Sages Poètes - Jusqu'à L'amour


13 janv. 2007

DJ Poska - What's The Flavor #.25





Carmina Burana en musique de fond de l’intro, puis la session scratch démarre : Casey, Busta Flex, Faf La Rage, Rocca, Lunatic, Hill-G, La Squadra, Koalition, Akhenaton… et Joey qui éructe un drop. Fin 1997, la 25ème de Poska est lancée. La 25 de Poska, c’est un peu sa #.50 MC’s de Tony Touch à lui, divisée par deux donc : dans certains domaines, le cours du dollar sera toujours immuablement supérieur à celui du franc, ou désormais de l’€uro, même si l’effort est, dans ce cas, louable et plus que probant. La 1ère What’s The Flavor ? de Poska est sortie en 1994 via la structure Lyr.X Records et Phunky Maestro Flavor Production (qui deviendra officiellement un label fin 1997, Funky Maestro Entertainment). Sa série de tapes à la sélection strictement u.s laissera la porte ouverte aux groupes français à partir de la n°20, les 2 Bal’ Niggets et Soul Swing inaugurant la nouvelle ère. La n°23 Spéciale Time Bomb, avec sa pochette et son casting mythiques, laisse déjà penser que l’homme de la Face B a entrevu la formule secrète pour concocter des classiques sur bande magnétique. Le théorème n’aura pas mis longtemps à être appris et appliqué : les meilleures instrus des maxis fraîchement débarqués d’outre-atlantique, casting trié sur le volet avec les meilleurs rookies du moment, quelques copains, une pincée d’inconnus prêts pour l’éclosion, voire parfois aussitôt mort-nés pour certains d’entre eux dès que l’autoreverse du poste en aura fini avec sa mission. La What’s The Flavor ? n°25 est née et fera date.


Busta Flex, dans la continuité de ses apparitions sur le LP éponyme de Lone et de sa récente carte de visite que constitue son E.P, fait dans la fraîcheur et dans l’impro. Même si Redman et Keith Murray sont demandés à l’accueil pour un test de paternité, ça fonctionne.Ca ne fonctionnera d’ailleurs plus jamais aussi bien.

Koalition (Sully Sefil, Austere, DJ Shean, anciennement membres et danseurs actifs des TKS (The Kriminal Stars)) est représenté ici par l’homme aux tâches de rousseur, adepte un temps (très court) du rap contact, énergique et offensif.

Déboule la Section Fu : Dexter, Voodoo, Linko & Rudee, clones fades (Fade them all de Jamal, appliqué à la française, t’as vu) du Boot Camp Click et plus précisément des Heltah Skeltah. C’est un peu ce genre d’expérience ratée qui donne une telle valeur à des groupes comme les X-Men qui avaient les mêmes influences mais étaient parvenus à bien les digérer pour en faire un truc à eux. Comme dans leur E.P Mortal Kombat, les rimes riches sont légion, et ça sonne vite déclinaisons et désinences de latin. Tout ça leur passera, bien heureusement, mais on souffre un peu en attendant.

« Ameute la foule et tout les entourages, dis leur que Rimeurs A Gages est dans les parages » : Foutabarge, F-Dy Phenomen et Disiz La Peste ouvrent la Samsonite et posent au grand jour (pour un projet national, j’entends) la 1ère pierre d’un collectif à la vie une fois de plus éphémère sur disque. La clique se retrouvera partiellement sur la compilation Homecore et ne concrétisera jamais un effort collectif sur disque. Dommage : grains de voix et flows variés, et comme nous le prouveront les parcours solos, identités et univers bien personnels auraient mérités que l’aventure se prolonge davantage. Des Rimeurs A Gages réduits au silence collectivement donc, mais leurs silencieux n’ont jamais trop eu le temps de refroidir pour leurs équipées en solo avec des parcours plus ou moins heureux.


L’explosion Time Bomb suit son cours avec les Jedi qui inaugurent la session du collectif sur la k7. Kamal & Kassim ne sont pas venus seuls puisque dans leur sillage traîne le méconnu Sy-Zeus, qui n’est autre que celui qui se fera appelé Iron Sy quelques temps plus tard. La nébuleuse autour de la Team au logo à la bombe à retardement comprend quelques noms tels que la Yusiness (Usine + Business, oui oui), groupe originaire de Marne la Vallée, comme DJ Mars et qui passera un temps sous le giron de Funky Maestro, ou même l’S-Kdrille du roadster C II La Balle de Ziko et Bam’s (qui héberge déjà les tout aussi juvéniles Nysay). Tellement juvéniles, précoces et surdoués que la rumeur laisse entendre qu’ils n’écrivent pas leurs textes, improbable tellement ils retranscrivent encore à l’époque leurs délires et préoccupations d’adolescents (cf. Le rêve sur Definition Of Hip Hop vol.1 de DJ Enuff).

L’esquisse de la future Scred Connexion est tracée avec ses membres les + talentueux : Morad démarre avec l’amertume qui le caractérisera toujours, suivi par Koma, toujours aussi mortel. Puis le patron passe à table : Fabe avec son phrasé inimitable (la preuve, personne n’a jamais essayé/réussi à pomper son flow particulier, sport pourtant national chez les rappeurs hexagonaux en manque d’inspiration), efficace et tranchant comme à son habitude, remporte la mise et se barre sans payer l’addition.

Moitié du groupe Daomen, Jerry Dafunkyla déroule son flow paresseux, nonchalant (paternité déclarée mais jamais égalée avec Moda sur la compilation Nouvelle Donne vol.1) et vaguement américanisé avec plus ou moins de réussite. De la grosse rime qui tâche, un fâcheux penchant pour le off beat sont pêle-mêle les qualités de Jerry qui aura l’étrange privilège d’entrer dans le cercle très fermé des artistes à se faire systématiquement dérouiller et laminer par leurs invités sur leur propre album et autres projets (Underground Classic, en l’occurrence).

Manu Key le old timer délaisse Different Teep un temps pour une courte prestation, suivi par la féroce et dangereuse Casey pour une des apparitions les plus marquante du projet sur le Death Be The Penalty de Shabazz the Disciple :

« Démissionnaire du système scolaire / début du sommaire / d’une banale réalité / de mon curriculum à éviter / activités journalières : goûter la galère, / poirauter des heures entières, / rêver de prospérité ; / seulement dans la passivité / le temps passe si vite et / ma nonchalance précipite / mes finances dans le déficit. / La suite / que la raison suscite, je la crains : / affronter le monde du taff / se lever tôt le matin / putain, c’est pas pour moi/ j’me connais ce défaut rageant / d’être allergique au travail dès qu’il me faut de l’argent / décourageants tous ces entretiens d’embauche /guette les embûches, / des obstacles dès que j’trébuche / quand j’épluche les petites annonces / attend de maudites réponses / joue les cruches qui crachent pas dans la soupe quand je m’enfonce ; / j’y renonce, mon orientation se prononce / pour la débrouille ma solution : la magouille ; / sans ambitions je vadrouille / bredouille, le cerveau sous embrouille / … et mon futur me fout la trouille ».

« (…) 20ans, / encore chez maman / pour le moment / bilan ? / pas d’boulot, les bras ballants / je reste; / tout effort m’est indigeste/ pas de valeurs manifestes / juste un désir de fuir la sieste qui m’infeste / et puis en pleine apathie / une chance me sourit / un nouvel appui / vers mon premier produit / le Dooeen Damage… »

Pour paraphraser un slogan de Less du Neuf, c’est un exemple parfait de « technique et intellect », la rare, parfaite et dévastatrice alliance du fond et de la forme. Ses prestations seront toujours aussi prometteuses, et on sait désormais qu’elle mettra des années pour transformer le plomb pourtant prometteur des featurings et multiples apparitions sur mixtapes en l’or que peut constituer un projet personnel et abouti. Ator, celui qui lui avait mis le pied à l’étrier pour sa toute 1ère trace discographique sur la compilation sarcellite L’Art d’utiliser son savoir (dont le leitmotiv a visiblement bien été appliqué par la bougresse) , est dédicacé dans les dernières secondes de sa violente saillie. On le remercie aussi.

Polo (du crew 3DT), membre de la furtive et stérile aventure du Black Tagga avec DJ Clyde, Solo d’Assassin et JoeyStarr (rahhh, les photos de pubs de Solo & Polo pour Homecore), a dû beaucoup écouter Lucien, intonations et accent ne mentent pas. La case prison sera de mise au bout du compte, et + ou – tragiquement, également un dénominateur commun pour ces deux-là. Ses faits d’armes auront été brefs : sa voix nasillarde et son flow nonchalant se seront promenés sur Panne sèche (Hostile 1), Make Doe et Hot Time plus confidentiels, La monnaie blesse et 3’30 Pour Un Freestyle sur L 432.

Une des toutes 1eres apparitions de Nasme (clique Trouble Fêtes), vu depuis sur l’album d’Hifi, la compil Sang D’Encre Haut Débit, et en clash/impro dans le Couvre-Feu face à Effilo. Vraiment méconnaissable si on le redécouvre à rebours, sans sa voix devenue rocailleuse et forcée.

L’inconnu Secret D’Etat lâche un pur leust pour une intervention malheureusement trop courte juste avant Driver toujours égal à lui-même, poussant même la chansonnette. Pas eu la carrière qu’il méritait, le bonhomme. Mic Beth aka Seul II Seul, reconnaissable à sa voix particulière, tire son épingle du jeu suivi de près par ses proches de Quitte Ou Double.
Les Sages Poètes, de retour d’hibernation, font redécoller le tracé sur notre graphique cardiaque d’auditeur : l’homme Dany Dan survole (encore) les débats avec un Zoxea en grande forme, et amorcent le retour aux affaires avec Beat 2 Boul Dans La Sono, avant le formidable et définitif Jusqu’à l’amour. Les bordelais de Katrofazz, N’Pears et Aspeak, ramènent la province dans le débat et clôturent la face A.

La Relève (Reny et Lil’T, le toaster D-Ton et DJ Gab, accompagnés d’habitude de leurs 4 musiciens) disciples français des The Roots d’ailleurs invités sur leur EP Retour Aux Sources, sont à l’aise dans les ambiances cosy jazzy et autres trucs en –zy pour parodier un frooty blogger fameux. Démarche originale pour l’époque ou les wutangueries et mobbdeeperies étaient généralisées. On perdra leur trace après la compil Police. Bavure maquillée en fugue, coup classique des forces de l’ordre. L'Amber Alert (non, pas Christophe "L'Ambert", non non) n'existait pas à l'époque.

Arrive alors le second coup de boule du tracklist : Qrono et Nubi des Futuristiq avec leur hook qui a fait le tour des CNRS de France: « des clodos, des clans d’clowns veulent nous cloner, imitent les types de mon équipe et piquent nos phases codées ». On retrouve l’agilité d’un Hifi (qui signera la prod de leur titre Napalm sur Hostile vol.2) ou des sensationnels Aktëfrazë dans le placement, egotrip et jeux de mots pour la diatribe anti-wacks tant en vogue alors.
(…) « Certes ici les faux fixent le flow, mais aucun type n’ose / nous regarder en face par peur de l’hypnose. / On dispose / des derniers prototypes de prose / sortis sur le marché, / ma clique met la machine en marche et / rien ne peut nous stopper / dans notre épopée / vers la fortune, / si t’es fort tu ni- /-ques la misère, / c’est pas un mystère, / mon flow c’est du whisky : / avale cul sec, ta tête tourne / à pleine bourre, / tu guettes déjà la prochaine teille-bou ; / apprécie / le millésime / du prochain millénaire, / je décime / ceux qui m’ont mis les nerfs / alors évite / de faire des faux-pas, / faux gars / tu simules / quand l’alcool te stimule, / la main sur les testicules / tu hurles, / tu gesticules, / t’as beau user de subterfuges / c’est superflu / moi mon super flow / colle au beat comme la super glu ».
Ah oui quand même. Forcément, il nous faut bien Shankane pour retrouver des stigmates d’activités sur l’encéphalogramme, et elle y arrive plutôt bien. Merci encore Shankane.


La présence de Lyr-X (Teknik et Bikiz au micro, et Poska himself aux platines) est légitime. La sortie de la 1ère mixtape de Poska en 1994 a coïncidé avec une k7 5 titres auto produite par le groupe qui est à l’origine de la franchise What’s The Flavor ?. « Comme Ophélie je n’ai pas d’soucis », visiblement, ça a picolé avant la prise ou si non, ils auraient du.

Oxmo truste tous les projets du moment pour notre plus grand bonheur, il en sera d’ailleurs récompensé : seul artiste de la 1ère équipée Time Bomb à sortir en solo, qui plus est en major avec un effort solo qui se logera au panthéon des meilleurs disques de la courte histoire de cette musique en France. Le seul qui restera fidèle au label qui l’a révélé après ses aventures avec le D.A System et S-Kiv, le seul qui ne sortira ni égratigné ni sali de ces histoires d’yeux plus gros que le ventre. Mieux vaut parfois feindre la myopie comme disent les réformés au service. Ecriture à tiroirs, délires de narrateur à la Slick Rick, égotrips toujours à contre courant ou pensées sombres d’un Black Mafieux en quête d’une utopique rédemption sur les chemins du repentir, l’homme est complet. Paradoxalement, celui qui avait développé officiellement le délire fictions dans l’écurie Time Bomb, était sans doute celui qui livrait le plus de lui-même et ce sans se travestir ni jouer de rôles.

L’Agression Verbale avec Ol Kainry, Honers, Ricardo, Rismo et Georgetown puis les remarquables mais trop rares Ex-Nihilo (DJ Doze de retour de l’aventure angevine Soul Choc, Mega Scorcese et l’énorme Vincenzo Lokkko) nettoient la piste avant de mettre sur orbite les 2 Bal’ Niggets sur le Foundation d’Xzibit. La tornade 3 X Plus Efficace bat son plein dans les bacs et connaît son prolongement jusque ici. Le D.O.C et G-Kill déploient leur complicité forcément congénitale sur la magnifique prod de Muggs.

Antidote gribouille ses rimes dans l’indifférence générale, puis la guerre est déclarée pour de bon : Iron Sy, donc, Kassim (Jedi), un scratch avec la voix de Booba en pleine confection de ses pâtes au thon à l’heure où Ali (Lunatic) et Hill-G excellent (comme d’habitude) sur l’instru d’Hoodlum et dominent les débats en France, seulement concurrencés par les troupes de la Fourche Ligne Zoo de La Cliqua. Proche de la clique, Metek des Refrès, à l’aise, complète le tableau.


Les Sleo fournissent le minimum syndical, puis en bons bouchers, Papifredo et le violent Stor-K font la livraison de leur demi-livre hebdomadaire de viande rouge.
De A à Z portaient bien leur nom : l’alpha & l’omega, le début et la fin, résumé de toute leur carrière qui est née et morte ici même, pour mes oreilles tout du moins. Le groupe au logo reconnaissable entre mille, aux voix et flow tout aussi originaux et propres : Acid, Fredo, le K.Fear, Base, John Deido et Doc.K, « membres de La Brigade », mettent à sac les locaux avec un passage de relais façon expédition punitive à chaque kick de micro.

Le dénommé Rafale disparaît à son tour aussi vite qu’il était arrivé, servant d’intermède à la famille D.Abuz avec Les Spécialistes. Toujours aussi démonstratif, Abuz invente même la rustine de la rime après une succession de rimes en -ri : « (…) où qui finiront en –ry comme le petit Grégory ». Le frooty blogger n’a rien inventé finalement. Dontcha Flex et les Resk-P achèvent la bête si tant est qu’elle bouge encore. La mauvaise langue en moi aurait dit que la chanteuse au refrain nous a nous aussi achevé, mais pas de la même manière.


A noter que la cassette a été rééditée en CD à l’occasion de la sortie de la 50ème What’s The Flavor ?, amputée quand même d’un bon ¼ d’heure.