5 févr. 2008

Bit et Naw : partners in crime





Bit et Naw, les deux font la paire. Je ne veux pas savoir qui se cachait derrière cette bouffée d’air frais qui m’a touché jusqu’au fond de ma province. Bit et Naw. Association de peintres causant pertes et fracas. A l’échelle de mon existence c’était surtout la preuve qu’un autre graffiti était possible. Que la technique ne faisait pas tout, et que bien souvent elle agit comme un triste cache-misère.

Les lettres des deux compères étaient épurées, et imparables. De 7 à 77 ans, pour peu que tu sois capable d’accepter autre chose que l’image préfabriquée qu’on a voulu t’imposer du graffiti, ça te touche. La raison est simple : Bit et Naw c’est l’enfance de l’art, mais c’est aussi l’art de l’enfance. Retour aux dessins primitifs, sans Jacques, sans ticket d’entrée, sans queue à faire. Pourtant j’aurais payé cher pour voir débarquer en gare ces soleils d’aérosols. Même à 700 kilomètres de là, la moindre photo glanée dans n’importe quel magazine me faisait l’effet d’un encouragement. Comme s’ils nous disaient : « tenez bon les petits, vous croyez qu’on se pose des questions nous ? Non ! On est là, on peint, et s’ils aiment pas, tant pis pour eux. »

Aujourd’hui, il est clair que mon goût d’alors pour l’association rose et vert flashy de chez altona trouve son explication dans les divers whole cars du tandem infernal.


(capture écran de Mr Moelon)

En mémoire, il y a le choc reçu dans la Ultimate vidéo 1: quand tout ça se met à rouler, à bouger, que ces couleurs brillent, vivent, bien plus que les gens qui montent et descendent des trains. Naw c’est aussi des flops super efficaces, les petites dents de vampire dans l’espace du « a »,l’esprit de Quik remis au goût du jour sans le trahir. Bit et Naw ne font pas que garder le temple, ils le montrent, ils le font sortir des dépôts merdiques pour amener la bonne parole jusqu’à Saint Lazare, et tellement plus loin.
Des persos improbables sortis de leurs cerveaux fous faisaient danser ces trains gris, impossible d’oublier « le PSL contrôleur ».

Du coup ces trains gris ont une dimension quasi mystique pour mes amis et moi. Quand la SNCF a eu la bonne idée d’en balancer quelques-uns vers chez nous, mes potes toujours actifs sont allés les peindre comme on part en pèlerinage. On remettait les compteurs de notre histoire avec le graffiti à zéro. On n’irait jamais peindre le métro new yorkais, mais on aurait notre petit PSL à nous, merci Kim pour la dédicace, tout ça a du sens, même si ça semble dingue.

Bit et Naw, drôles de héros quand on a 15 ans. 1998, les idoles sont Zizou et Deschamps, la vidéo UV est en train d’être montée, dans quelques temps Reso se la fera voler par Peper qui se la fera voler par Asie qui se la fera voler par moi. Si je tiens le connard qui me l’a volée…

Bit et Naw où l’insolente réussite de paris qui semblent perdus d’avance : 3d vers le haut, intérieur violet clair, contours violet foncé, lettres carrées, et l’ensemble a pourtant du style à revendre. Un profond respect des « fondamentaux » transpirait de leur travail; il ne s’agissait pas de peindre de la main gauche halala-on-se-marre-trop-à-se-moquer-de-l’époque-ça-va-faire-
rire-Agnès B-quand-on-va-lui-raconter
. Les types connaissaient leur culture, c’était une véritable célébration, bien plus qu’un hommage, la démonstration que tout ça n’était pas fini. En ce moment même, ces trains gris continuent leur promenade dans ma tête.

Olivier CaTin

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Salut mec, felicitation pour ton blog que je lis assidument. J'ai compile quelques titres de la belle epoque du rap francais sur deux cd, voila les liens:
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En esperant que tu kiffera, hesite pas a faire tourner!

Anonyme a dit…

Mortel le texte...
J'ai toujours ma DH1 copiée dans un coin, ça fait plaisir à rematter à l'occasion...